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LE MORT


Ses beaux cheveux étaient blonds et bouclés ;
Un léger nuage de poudre de Chypre
Les couvrait un peu ; toujours rasé de près,
Il avait le visage blanc et rosé,
Le nez aquilin, l’œil vif et noir,
Et des dents qui paraissaient de véritable ivoire.

Il était très honoré de ses confrères
Et fort aimé du Père Gardien ;
Mais, comme jamais ne manqua d’envieux
Un homme dont le mérite dépasse celui des autres,
Le père Buti, méchant et grossier personnage,
Conçut contre lui une vive inimitié.

Et comme parmi les moines il se trouve toujours
Gens qui se plaisent à envenimer le mal,
Avec lui de Salamanque à Madrid
Ce rival insolent fut envoyé par le Provincial,
Que menait par le bout du nez le Secrétaire,
Grand intrigant, nommé frère Belisario.

Tous deux ne pensaient qu’à se jouer de mauvais tours ;
Ils se disaient de grosses injures,
Et, quelquefois, non contents des paroles,
Ils en étaient venus à se servir des mains ;
En somme, leur haine était plus atroce
Que celle que le diable porte à la croix.

Le premier jour du carême arrivé,
Le père Marco, monté en chaire,
Salue humblement de tous côtés,
Après avoir fait sa prière selon le rite sacré ;
Puis il se tut, pour laisser à chacun le temps
De tousser, de se moucher, de cracher.