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DU PRÊTRE ULIVO


Une fois qu’Ulivo était à la campagne
(Ainsi se nommait le bon curé), et qu’il ne pensait,
En nombreuse et chère société, qu’à faire vie de cocagne
Devant sa porte, à l’heure du goûter,
Il vit quelques étrangers qui vers lui
Paraissaient se diriger ; l’un d’eux l’aborda.

C’était Saint Pierre, et il dit : « Je sais que vous êtes,
» Signor, très courtois et généreux ;
» Tous, comme vous voyez, nous sommes fatigués
» Et nous avons grand besoin de repos.
» Donnez-nous un gîte, et, si cela ne vous gêne trop,
» Nous voudrions encore quelque petite chose pour souper. »

— « Mes maîtres, » répondit Ulivo, « passez,
» Je vais dire tout de suite quatre mots au cuisinier ;
» Si je ne viens pas vous servir, excusez-moi,
» Je vais prendre encore un peu le frais ;
» Ici, on ne fait pas de cérémonies ;
» Sans façons, sans façons, Messieurs, entrez. »

— « Mais c’est que…, » répliqua Pierre, « vraiment…
» Nous sommes nombreux. — Hé, qu’importe ? » dit Ulivo,
« Toutes les fois que dans ma maison vient grand monde,
» C’est pour moi une bonne fortune, un plaisir ;
» Les cérémonies sont des sottises,
» Allons, vive la bonne compagnie !

» Prenez un petit verre de muscat,
» Tenez, cela vous fera du bien,
» Mais mangez une bouchée de biscuit :
» Boire les boyaux vides ne vaut rien. »
Saint Pierre mangea, but et remercia,
Puis, avec ses compagnons, dans le palais il entra.