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LES TOC-TOC


En vain, par de petits cadeaux, avait-il
Rendu la femme de chambre elle-même favorable à ses vues ;
Plusieurs fois elle avait cherché à le servir,
Mais n’osant tenter un pas décisif
Avec sa maîtresse sotte et bouchée,
Elle n’avait rien obtenu en faveur du Curé.

Celui-ci, pour attirer un peu l’attention de la dame,
Lui parlait d’un prodige ou d’autre chose telle ;
Lui décrivait l’enfer, où la vengeance divine
Torture le mortel coupable,
Et, chose plus agréable pour elle que nulle autre,
Lui lisait quelquefois la vie de Saint Pascal.

Mais le jeu traînait en longueur, le prêtre se desséchait,
Il se sentait dépérir ;
Déjà deux longs mois s’étaient écoulés,
Il n’entendait que les bavardages ordinaires,
Quand arriva un évènement grâce auquel
Il vit enfin ses désirs exaucés.

Un terrible procès fut intenté au signor Torso
Qui était en danger de perdre son comté,
Si bien que par les voies les plus rapides
Il dut se transporter à la Cour :
Il ne pouvait espérer s’en tirer
Autrement qu’en faisant ce voyage.

Avant de partir, à son cher curé
Il recommanda sa gentille épouse ;
Le pauvre sot ne savait pas
Que c’était abandonner la brebis au loup :
Son départ ranima le zèle
Du prêtre, en réveillant son espoir.