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LES TOC-TOC


Élève d’une nonne paralytique,
Elle croyait plus aux sorcières qu’au baptême,
Et elle admettait, sans critique ni jugement,
N’importe quel sortilège, n’importe quel enchantement ;
Si de magie quelque nouvelle pratique
Lui était contée, elle restait la bouche ouverte, en extase.

Le prêtre se doutait bien, non sans raison,
Qu’un si friand et si agréable morceau
Tomberait un jour ou l’autre dans les filets
De quelque rusé coquin ;
Il tenait les yeux fixés sur elle
Comme Argus sur la fille d’Ismène.

Il n’était cependant pas assez jaloux
Pour se montrer jamais grossier ou inconvenant,
Nul ne se tenait mieux que lui en société,
Et comme le pays était fameux
Pour la bonté de l’air, les étrangers
Demeuraient dans sa maison des mois entiers.

Le Comte Torso avait acheté un gros domaine
Auprès de ceux du Prêtre,
Et juste en face de la maison curiale
Il avait bâti un palais princier
Où, avec la jolie femme qu’il venait d’épouser,
Il passait les jours de la belle saison.

Ce seigneur Comte était un bon vivant,
Affable, courtois et sans façons,
Si bien qu’il lia très vite
Amitié avec notre Monsieur le Curé ;
Leur liaison fut fort étroite,
Mais l’amour et la vengeance cruelle la rompirent.