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FRA PASQUALE


Et il répéta : « Adieu, Messieurs,
» Traitez-moi ce coquin comme il le mérite. »
Cela dit, il s’en alla, et quand seul
Il se trouva dehors, il resta une minute à hésiter
S’il retournerait au couvent ou bien
S’il reprendrait son premier et féroce métier.

Mais la paresse, déesse puissante,
Qu’adore l’humble engeance monacale,
Lui parle au cœur si tendrement
Et lui fait un discours si plein d’éloquence,
Qu’il retourne à sa cellule, aimant mieux
Manier le bréviaire que les pistolets.

L’oiseau, depuis longtemps enfermé
Dans une cage de fer, oublie sa nature ;
De la nécessité il se fait une habitude,
Et ne se soucie plus de la liberté qu’il a perdue ;
S’il sort, et si de ses ailes il fend l’air liquide,
Il revient vite à son ancienne prison.

Près du couvent, notre homme rencontra
Le père Sparagione, qui avait déjà dit sa messe,
Et qui, pour se guérir de certaine indigestion,
Était en train de faire une petite promenade.
Il se découvrit à lui, et celui-ci voulut savoir
Pourquoi il rentrait en si étrange accoutrement.

Fra Pasquale, qui s’était déjà posé en saint,
Eut honte et fit du mystère ;
Mais l’autre le harcela tant et tant,
Qu’il lui confessa l’entière vérité.
Sparagione rit, et s’écria : « Bravo, Pasquale !
» Voilà, par Dieu ! un vrai tour de Provincial ! »