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FRA PASQUALE


— « Je vous avertis, » reprit-elle, « que si par hasard
» L’officier nous surprend, il nous tue tous les deux ;
» La moutarde lui monte vite au nez…,
» C’est un Rodomont de la pire espèce…
» S’il vous découvre, Saint Antoine en personne
» Ne pourra vous tirer des griffes de ce démon. »

— « Foutre ! » répondit le moine, « et qui croyez-vous
» Que je sois ? M’avez-vous pris pour un pleutre ?
» Vous ne savez pas encore qui se cache
» Sous ce froc de religieux.
» Je viendrai… Si l’officier veut faire le fou,
» N’ayez crainte !… Un Rodomont !… Oh foutre ! »

Nos amants fixèrent de cette façon
Le jour et le lieu de leur douce rencontre ;
Puis, pour ne donner aucun soupçon aux passants
Qui se promenaient sur la place,
Ils se firent, en apparence, un modeste adieu ;
Elle rentra dans sa maison et lui dans son couvent.

On peut bien croire que le bon père
Souffrit, en attendant le Dimanche,
Des angoisses et des tourments vraiment horribles ;
Il ne sortit pas de sa cellule,
Il n’eut d’autre pensée, d’autre souci
Que de faire tourner à bien l’aventure.

Quand arriva le jour tant désiré, il dit la messe,
Et se dispensa de tout autre service ;
Il retourna dans sa cellule et, en toute hâte,
Fit venir auprès de lui Fra Sparagione,
Auquel il dit : « À vous le pouvoir aujourd’hui ;
» Je vous cède toute mon autorité sur le couvent.