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FRA PASQUALE


Il prit sur elle des informations dans le voisinage,
Et il arriva à savoir très vite
Qu’elle avait comblé les vœux de plus d’un amant,
Qu’elle était très facile et bonne fille ;
Alors, plein d’espérance, il dit : « Par Dieu !
» J’ai nerf et argent comme les autres, moi aussi. »

Un jour, comme elle sortait de la messe,
Il la suivit, et avec grande désinvolture et aisance,
Après un doux salut, il s’approcha d’elle.
Il ne manqua pas de lui peindre son ardeur ;
En amour il croyait (et il n’avait pas tort)
Que chacun est pour soi le meilleur entremetteur.

D’un air virginal, avec modestie,
Donna Rosa accueillit ses protestations ;
« Vous savez vous y prendre pour persuader, »
Dit-elle, « l’éloquent amour parle par votre bouche,
» Mais j’ai à vous apprendre une nouvelle assez fâcheuse :
» Écoutez-moi, je suis chasse réservée.

» Par un officier du Roi je suis entretenue :
» C’est un homme violent et fort jaloux ;
» Il me faut user de toutes sortes de ruses,
» Quand je veux contenter un autre amoureux ;
» Force vous sera donc, mon père, d’attendre
» Que la Cour parte pour la campagne.

» L’officier doit partir avec elle
» Et je serai libre pour quelque temps.
» Si vous voulez alors penser à moi,
» Nous donnerons à notre amour pleine satisfaction ;
» La chose est pour dimanche prochain,
» Viendrez-vous ? — Par la foi de Dieu ! soyez-en sûre. »