Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
FRA PASQUALE


Il demanda la permission au général
Et passa à Naples dans une barque ;
Mais changer de ciel, courir la mer, à quoi bon ?
En est-on plus habile à refréner sa luxure ?
Hélas non ! il y a partout des femmes
Toutes prêtes à se faire vite lever les jupes.

Il fut accueilli dans le couvent de Naples
Comme un frère d’importance et de valeur ;
Il avait la sainteté peinte sur le visage,
Dormait sur la terre ou sur la paille,
Jeûnait et, soir et matin,
Se frappait avec une dure discipline.

Bientôt il eut obtenu honneurs et dignités,
Il fut fait en peu de mois sacristain ;
Ensuite il eut le premier rang parmi les lecteurs,
Et, montant ainsi de grade en grade,
Il devint père gardien, puis provincial ;
Il obtint des bulles et des indulgences à foison.

Mais une telle vie était trop uniforme
Pour un moine si actif et si bouillant,
Et ce gueux de Satan, qui ne dort jamais,
Le pinça un jour, mais le pinça ferme :
Avec un trait de Cupidon, il le rendit fou
De donna Rosa, au gentil visage.

Donna Rosa Stringati était si jolie
Qu’elle aurait tendu les nerfs d’un moribond,
Chaque œillade d’elle faisait une plaie
Qui pénétrait jusqu’au fond du cœur ;
À peine Fra Pasquale a-t-il vu si gentil museau,
Qu’il jure d’aimer la dame, et dit adieu au Christ.