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LAISSONS LES CHOSES


Ce discours d’une belle émulation
Enflamma les charmantes auditrices ;
Chacune au grand œuvre se prépare,
Chacune déjà se voit à chasser les engins ;
Déjà elles se figurent en expédier à Rome,
Qui un sac, qui une balle, qui une charge de mulet.

Et ce ne furent des bourgeoises seules qui pour la croisade
Volontairement donnèrent leur nom ;
Des dames de famille illustre
Sur la grande liste se firent inscrire :
Parmi elles se trouvèrent trente duchesses,
Cent marquises et quatre princesses.

Elles partirent, et dans diverses contrées
À de sots amoureux elles tendirent leurs filets ;
Beaucoup en Italie déployèrent leurs ruses,
Beaucoup en France, beaucoup en Allemagne ;
D’autres allèrent exploiter la riche terre d’Ibérie,
D’autres la Hollande et d’autres l’Angleterre.

Guères ne tarda qu’un paquet de la denrée
Par la poste arrivât au successeur de Pierre ;
Ensuite, par un courrier envoyé tout exprès,
Il en reçut une grosse valise pleine ;
Puis ce furent des barils, des tonneaux, et à la fin, des charges
Aussi grosses que des ballots de drap d’Angleterre.

Le marin et le voiturier n’apportaient plus
Que ces marchandises des contrées lointaines ;
De grosses balles à la marque papale
Partout les douanes étaient pleines,
Et les princes, pour en tirer quelque profit,
Les assujettirent aux droits de gabelle et de remisage.