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LAISSONS LES CHOSES


Gambatorta un jour se mit à bâiller,
Et, en bâillant, il tomba mort.
Il n’avait au monde ni parent, ni enfant ;
La Justice le sut, et, sans tarder,
Aux portes, aux armoires, aux coffres
Les gens du palais mirent les scellés.

Le ribaud était mort sans testament,
Le fisc voulut prendre possession de ses biens ;
Les procureurs sont toujours lents,
Beaucoup l’ont éprouvé, et je l’éprouve moi-même,
Et, avant que ces scellés fussent levés,
Il s’écoula bien des jours, bien des mois aussi.

Cette lenteur fit perdre patience
À ceux qui avaient leur ustensile en gage ;
Sur la place et dans les cafés on entendait dire
Publiquement, que c’était une chose indigne,
Une grossière et stupide malhonnêteté
De priver la noblesse de ces choses-là.

Les petits-maîtres, les officiers et tous ceux
Qui pouvaient dire ouvertement : « Je f..s »,
Réclamaient avec importunité leurs oiseaux ;
Le prêtre et le moine forcément se tenaient tranquilles :
Leur caractère, leur dignité et leur tonsure
Exigeaient silence et imposture.

Enfin fut rendue la sentence
Après un long délibéré incohérent et confus,
Et, en présence d’un grand nombre de témoins,
Un officier du fisc fit l’inventaire
Des effets laissés par ce mort,
Ce qui n’exigea pas peu de temps.