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LAISSONS LES CHOSES


Nul ne partait avant d’avoir laissé,
Pour éviter querelles et plaintes,
À celle qui lui avait blessé le cœur,
L’organe qui pouvait le rendre infidèle,
Et, avec ce joujou, la belle restée seule,
Toutes les demi-heures, au plus, se consolait.

Chaque mari, avant de quitter la maison,
Le consignait aux mains de son épouse,
Qui, voyant là une preuve d’amour vrai,
Se tenait tranquille ; et si, par ses emportements,
Elle prétendait tout mettre sens dessus dessous,
Le mari réclamait son gage et la calmait.

Chaque jeune fille avait une cachette
Où elle en gardait une demi douzaine :
La table à ouvrage ou le prie-Dieu
Les cachait aux yeux des mères ;
Les religieuses en avaient dans leurs couvents
Des petites caisses de dix-huit ou vingt.

Le transport en était facile, et, à cette besogne
Le maître de langues était employé,
Avec le maître de musique, le valet de pied,
Le petit jockey, le laquais frisé,
Le moine, la marchande de modes, le perruquier,
Tous gens au fait de pareil métier.

Mais un prêt comme celui-là faisait, à vrai dire,
Au prêteur courir de grands risques ;
Et qui le consentait, tout le temps était
Préoccupé, inquiet pour son bien :
La malice du sexe est si grande,
Qu’elle répand du poison sur le plus doux miel.