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LAISSONS LES CHOSES


— « Mère, » répondit Amour, « j’ai vraiment à te demander
» Une grâce d’importance, et j’espère l’obtenir.
» C’est avec grand chagrin que je vois dans l’affliction
» Le sexe féminin soumis à mes lois ;
» Je m’entends implorer comme un souverain et je dois
» À de telles souffrances un prompt soulagement.

» Fais, de grâce (tu peux tout), fais que cette partie
» De l’homme, que ta volonté m’a consacrée,
» Devienne mobile par quelque procédé nouveau
» Et qu’elle ne soit plus, comme avant, inséparable du corps ;
» Fais que ce bel organe, auquel tu as donné
» D’infinis mérites, s’ôte et se remette à vis.

» Ainsi à sa belle l’amant pourra
» Laisser un gage certain de sa foi constante ;
» La cruelle jalousie qui torture le cœur,
» Sur la rive impure de l’Achéron
» Devra retourner, et tu entendras jubiler
» L’univers joyeux de cette nouvelle source de plaisir.

» Les amoureuses fillettes, qui ont juré
» De me fuir comme un monstre dangereux,
» Et qui par contrainte ou caprice se sont enfermées,
» À ta grande honte, dans un cloître solitaire,
» Si tu acceptes mon utile projet,
» Verront leurs tourments s’adoucir.

» Des maris inactifs et toujours jaloux
» La rigueur sera de la sorte inutile,
» Et des pères au front chauve, à l’esprit soupçonneux,
» Un ardent amoureux bravera la surveillance.
» Tout usage coupable, qui s’oppose à ta volonté,
» Disparaîtra, comme un nuage devant l’aquilon. »