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LAISSONS LES CHOSES


Les femmes se plaignaient que l’opération
Par laquelle s’accroît et se renouvelle le monde,
Depuis le lever de l’épouse de Tython
Jusqu’à l’heure où le soleil tombe dans l’océan profond
Ne durât pas, et ne se prolongeât pas encore
Du coucher du soleil à l’aurore.

Elles pleuraient l’absence de leurs amants
Qui les forçait à faire des jeûnes très longs ;
Plus d’une belle, contrainte, bien malgré elle,
De réfréner ses appétits,
Maudissait la vigilance de sa mère
Et souhaitait un père moins clairvoyant.

Dans les couvents, les nonnes cloîtrées
Lamentaient leur injuste et malheureux sort ;
Elles mouraient, les pauvrettes, du désir
D’un bon bouchon pour le brûlant goulot ;
Déjà, pour satisfaire leur fringale,
Domestiques et jardiniers ne suffisaient plus.

Amour ne put voir telles souffrances,
Et à faire cesser un si cruel chagrin
Il appliqua soigneusement toutes ses pensées,
Jusqu’à ce qu’il eut, croyait-il, trouvé un bon remède.
Il imagina un projet nouveau : autrement dit,
Une bonne bêtise lui passa par la tête.

Au pied d’une aimable colline
Ornée de fils menus et dorés,
On voit s’ouvrir, rouge comme le corail,
Cette officine où l’homme est fabriqué ;
Entre deux colonnes aussi blanches
Que la neige non foulée, est la passe petite, étroite.