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LE ROI GRATTAFICO


» Si au moins ce lâche en champ clos
» T’avait publiquement affronté, je souffrirais moins :
» Mais un sicaire !… c’est donc toujours en vain que tu tonnes,
» Injuste ciel ! Et un si criminel tyran !…
» Et le crime est sans vengeance !… Ah ! vaines plaintes !
» Vous ne rappelez pas à la vie mon bienaimé ! »

Des sanglots déchirants et des larmes plus abondantes
L’empêchèrent de prononcer d’autres paroles ;
Elle embrassait cependant ce corps inanimé,
Elle baisait la plaie ; le gardien voulut,
Ému de compassion pour elle, la tirer de là :
Elle s’évanouit, et il lui parle en vain.

À peine revenue à elle : « Ô mon bon père, »
S’écrie-t-elle, « je vous rends grâces de tout mon cœur,
» Car c’est par vous que dans ces lieux pleins de ténèbres
» Et d’horreur, je trouve une triste consolation,
» Patientez encore… patientez un peu de temps,
» Bientôt à lui vous me réunirez ici même.

» De grâce, faites que, comme les âmes furent unies
» Dans la vie, les corps le soient dans la mort.
» À pénétrer dans le vaste empire de Pluton
» Je m’apprête, soit par le fer, soit par le poison ;
» J’attends seulement pour quitter la vie,
» Que la vengeance préparée soit tout à fait accomplie.

» Je descendrai dans le royaume des ténèbres,
» Compagne inséparable de Lindoro,
» Quand j’aurai mis au jour l’enfant déjà presque à terme
» De mon doux trésor, que je porte dans mon sein ;
» Aussitôt cela fait, l’impie qui a tué mon idole
» N’aura pas beaucoup d’heures à vivre.