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LE ROI GRATTAFICO


Betta, demeurée seule, se livra
Au désespoir et à la rage :
Et le Roi : « Je n’ai pas besoin d’en voir plus ici ; »
Dit-il, « que celui qui voudra d’elle l’obtienne en paix.
» Peu de mariages se feraient, cordieu !
» Si tout le monde avait mon anneau. »

Le jour suivant, mais revêtu d’autres habits,
Il se présenta pour demander asile
À Crezia, afin de voir si pareils instincts
Avaient place dans son cœur ; il la trouva les yeux rouges,
Son gentil visage empreint de tristesse,
La figure et le sein mouillés de larmes.

Il lui demanda l’hospitalité, elle la lui accorda
En soupirant ; sans dire un mot,
Elle regarda la prétendue dame, et tout en pleurs,
S’enferma dans une chambre, seule, seule :
Elle croyait être seule, mais sans être vu,
Grattafico avec elle était venu.

Accablée d’une douleur encore plus intense,
Quand l’heure de minuit eut sonné,
Toute couverte d’un vêtement noir,
Elle partit, accompagnée d’une servante ;
Toutes deux arrivèrent à la porte d’un couvent
Où, après avoir légèrement frappé, elles entrèrent.

Un moinillon leur ouvrit, qui alla aussitôt
En grande hâte chercher le gardien ;
Celui-ci arriva vite, et, plein d’égards et de politesse,
Les accueillit ; puis il alluma une petite lumière
Pour dissiper les ténèbres profondes,
Et se dirigea vers un souterrain.