Le Roi de Cascina, invisible,
Les suivit dans cette chambre,
Et vit le militaire, en fort peu d’instants,
Danser d’amour la première contredanse,
Laquelle, au bout d’une petite demi-heure,
Fut suivie d’une seconde.
Betta se leva, en disant au militaire :
« Il est vrai, ma douce idole, que nous jouissons,
» Mais, tant que vit mon père, nous ne pouvons,
» Comme je le désire tant, nous marier.
» Le ciel nous préserve, qu’il sache un jour
» Ce que nous faisons, à sa honte et déshonneur !
» Je souffre tout pour toi ! Afin que nos frasques
» Ne soient pas connues de l’auteur de mes jours,
» J’ai feint d’être orgueilleuse, et je suis bien sûre
» Que c’est pour fuir ma maussaderie et mon humeur,
» Qu’il m’a fait habiter seule cette maison
» Où il m’est permis de te voir et de jouir de toi.
» Mais que vaut tout cela, si j’ai peur, si je suis inquiète,
» Si je ne me repais que de douleur et de chagrin ?
» Si j’attends en vain le doux lien d’hyménée ?
» Si je vis exposée à la honte et au malheur ?
» Mon père voudra-t-il jamais que je donne ma main
» À Megabise ? à un capitaine des gardes ?
» Mais toi, ma douce idole, quel remède
» Proposes-tu à un mal peut-être inévitable ?… »
L’officier, la mine renfrognée, renoua
Sa braguette, se donna un coup de brosse,
Arrangea son chapeau et, impudemment,
Partit sans daigner lui répondre.