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LE ROI GRATTAFICO


» Je ne veux pas vous mettre dedans, mon ami,
» Ni vanter la bête, pour que vous l’achetiez ;
» Je suis, à cause d’elles, dans un grand embarras,
» Et je fais des dépenses qui dépassent mes revenus.
» Il me faut les entretenir toutes les trois
» Comme il convient à la dignité royale.

» Elles sont de caractères si opposés,
» Qu’elles n’ont pu rester ensemble à la Cour ;
» Chacune a son palais, et l’a voulu
» Bien loin de celui de ses sœurs.
» Dans le commencement j’ai fait un peu le sévère,
» Mais après, je l’avoue, j’ai changé de gamme.

» Betta, l’aînée, est une orgueilleuse,
» Qui fait l’effet d’un basilic, quand on la regarde :
» Comment vivre avec elle ? Une vipère qu’on écrase du pied
» Dans l’herbe, a moins qu’elle de venin et de colère ;
» Elle me faisait vraiment mourir de rage,
» Elle a voulu être seule et je l’ai laissée partir.

» Crezia, ma seconde fille, est une pleureuse
» Qui l’emporte sur les Préfices de l’antiquité :
» Elle m’aurait, je crois, fait donner dans la dévotion,
» Je n’y comprends rien… je la vois constamment
» Pousser des soupirs et rester pensive,…
» Elle est toujours habillée d’étamine noire…

» Elle était fiancée ; le Roi de Rosignano
» L’aimait comme ses yeux ;
» Mais je ne sais comment, par une étrange aventure,
» Le petit comte Lindoro fut tué
» En venant au palais un jour de fête…
» Et cela lui a tourné la tête.