Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
LE ROI GRATTAFICO


Le Roi, qui se sentait extrêmement fatigué
Et qui mourait vraiment de faim,
Suivit le nécromancien, qui d’un sac
Tira un gros morceau de Parmesan,
Et un saucisson qui n’eût jamais son pareil,
Enveloppé dans un sonnet du Merciai,

Puis une bouteille, d’un vin sur lequel Bacchus même
Avait pissé aux côteaux de Montepulciano.
À peine le bon Roi s’était-il mis à table
Qu’il prit le verre en main et ne le quitta plus,
Prouvant ainsi la vérité du proverbe,
Que le meilleur cuisinier, c’est l’appétit.

Après ce frugal repas, le Roi voulut
Savoir à qui il devait ce bienfait :
— « Je suis Peldipotta, magicien de mon métier, »
Répondit l’autre fort civilement,
« Je vous aime et vous respecte ; un bon Roi
» Est du ciel bienveillant un don précieux.

» Si vous étiez un de ces Rois… je m’entends,
» L’affaire marcherait d’autre façon :
» Je voudrais vous changer en un monstre si affreux,
» Et de figure si laide et si horrible,
» Que vous iriez vous cacher dans quelque tanière
» Comme autrefois Nabuchodonosor.

» Mais, comme je l’ai dit, parce que vous êtes bon,
» À l’occasion de votre mariage,
» Je vous ferai un utile cadeau. Recevez
» De moi cet anneau rare et merveilleux :
» À peine l’aurez-vous mis dans votre bouche, qu’aussitôt
» Aux yeux de tous vous serez caché.