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LE ROI GRATTAFICO


» Mais l’homme… il m’en coûte, grand Roi, de dire
» La vérité, qui cependant est claire et évidente…
» L’homme un jour… à la fin, doit mourir…
» Et la mort est une sèche insolente,
» Qui, la faux une fois à la main,
» Se moque pas mal des sceptres et des couronnes.

» Si elle vous agrippe et vous envoie rejoindre
» Votre grand père, avant que vous n’ayez un fils pour héritier,
» De ces états deviendra seigneur et maître
» Un chien sans foi et sans loi,
» Un Attila, un Mézence, un Eccelin,
» Un brigand, un gueux, un assassin.

» Il nous enlèvera nos femmes, il nous dépouillera
» De nos biens, de notre or et de notre argent ;
» Il nous fera pendre ou brûler vifs,
» Rien que pour passer le temps et se divertir,
» Et tous les jours il nous échinera le tempérament
» À force de droits et d’impôts.

» Dans le royaume triompheront les gens à projets
» Qui nous feront battre la tête contre les murs ;
» Les délateurs, toujours menteurs et méchants,
» Feront que personne ne vivra plus en sécurité
» Et l’on ne verra dans le royaume, de tous côtés,
» Que désespoir, mort, misère et pleurs.

» Vous seul, très haut Seigneur, vous seul pouvez
» Soustraire la patrie à un si terrible sort :
» Pensez à elle, et aux maux atroces
» Que peut lui apporter un cruel tyran ;
» Ne l’exposez pas à cet affreux destin,
» Avant d’être Roi, vous êtes né citoyen.