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LE FAUX SÉRAPHIN


— « N’en doutez pas, chère maman, j’espère
» Jouir de lui au moins toute cette nuit. »
Mais le délicieux combat redouble d’ardeur,
Et voilà qu’au plus fort de l’action,
Exhalant un soupir, la fillette tout à coup
S’écrie : « Oh ! maman ! je suis en paradis ! »

— « Tais-toi, ma fille, » dit la vieille
» Et garde qu’un si grand bien ne te soit ravi,
» Mais, de grâce, occupe-toi maintenant de dormir,
» Je suis fatiguée et meurs de sommeil. »
En parlant ainsi, elle bâilla, elle frotta
Ses yeux chassieux et bientôt s’endormit.

Les amants s’en réjouirent, et comme elle dormait,
Ils recommencèrent le petit jeu d’Amour,
Autant de fois que la fantaisie leur en prit,
Car leur vigueur égalait leurs désirs ;
Mais l’aurore était sur le point d’apparaître,
Et l’hôtesse appela Pollonia dehors.

Elle l’invita à aller à la fontaine
D’où coule l’eau miraculeuse
Qui guérit le mal d’yeux :
La vieille se leva en toute hâte,
Et, les yeux plus rouges qu’à l’ordinaire,
Elle s’achemina vers la fontaine sacrée.

Là, elle se lava autant qu’elle en eut envie ;
L’hôtesse rit et lui dit : « Voulez-vous
» De Saint Panurgo visiter la demeure ?
» — Y a-t-il des indulgences, dites, savez-vous ?
» — Il y en a plein un sac, » lui répondit l’hôtesse,
Et alors la vieille se mit en route.