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LE FAUX SÉRAPHIN


« Tu le vois, ma fille, » dit alors
Pollonia, « le grand Saint daigne penser à nous,
» D’une céleste visite il nous honore
» Pour commencer, juge par là de ce qu’il fera plus tard. »
La belle fille se tait et ne répond rien,
Elle est partagée entre la crainte et l’espérance.

Par une longue route, alors, nos dames s’acheminent
Vers l’hôtellerie que leur a indiquée l’ange :
La mère, toute pleine d’allégresse,
La fille, tourmentée par l’amour.
L’une compte guérir ses yeux et trouver
Un sac d’écus, l’autre jouir d’un amant.

Mirtillo, cependant, qui du bois profond
Par expérience connaissait chaque sentier,
Dégringolant légèrement d’un rocher,
Arriva bien vite à la maison de l’hôte ;
Mais il avait d’abord, laissant ses ailes d’emprunt,
Repris tous ses vêtements de chasseur.

Il était fils d’un riche paysan
De la plaine, et l’hôte le connaissait,
Car maintes fois il lui avait prêté la main
Dans ses nombreuses fantaisies ;
Il lui servait d’entremetteur habile et prudent,
Et il en recevait de l’argent à foison.

Mirtillo lui raconta l’histoire de la mère
Et de la fille, et son apparition ;
L’hôte pinça les lèvres, fronça le sourcil
Et s’écria : « Quel coquin vous faites !
» Un tour si merveilleux,
» Satan lui-même ne l’aurait pas imaginé ! »