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LA GAGEURE


— « Rien, » répondit le renard. — « Oh ! ce n’est pas possible ! »
Dit le fermier, et il rit un tantinet ;
Puis, continuant à lui patiner les seins :
« Qu’en sauriez-vous faire, dites, petit père ?
» — Oh ! rien… », répondit-il, « je ne saurais…
» Au fait, j’en ferais un train de voiture. »

— « Oh ! quelle sottise ! un train de voiture !
» Faire cela d’une femme ! je voudrais bien le voir, »
Dit le fermier ; « quelle idée bizarre !
» Comment, bon Dieu, vous est-elle venue en tête ?
» — Fermier, » dit Fra Biagio, « mon idée,
» Comme je puis le prouver, est juste et bonne.

» Permettez que votre femme
» Se mette un instant à plat ventre par terre,
» Et vous verrez que je n’ai pas dit une chose
» Qui soit, comme vous le croyez, téméraire. »
Le fermier réfléchit un peu, puis il consentit
Et Dorotea se coucha par terre, tout de son long.

« Courbez les bras, en mettant sur le sol
» Le bout de vos doigts, » dit le moine ;
« Maintenant dressez-vous sur vos genoux…
» Voici les quatre roues déjà formées,
» Et ce gentil minois, où règne l’amour,
» Représente le marche-pied du cocher. »

— « Oh ! » dit Meo, « la chose ne va pas mal,
» Je le vois, c’est vrai dans une certaine mesure,
» Mais, mon cher frère, l’idée ne vaut rien,
» Ne le voyez-vous pas ? il manque le timon. »
Le drôle sourit, et repartit :
— « Laissez-moi faire, il y aura tout ce qu’il faut »