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LA GAGEURE


Longtemps et en vain l’un l’autre ils se tâtèrent,
Entre deux maîtres larrons était la querelle ;
Le moine était fourbe et le fermier traître ;
Celui-ci espère que le vin lui viendra en aide :
Ils se mettent à table, et devant le moine le fermier place
De sa gentille épouse le charmant visage.

Le souper fut somptueux, comme c’est la coutume
Dans la maison d’un fermier cossu.
Il versa au moine, plus que celui-ci n’en voulait,
De Bacchus la généreuse liqueur ;
Comme un chasseur qui prépare ses filets, la femme
Joue de la prunelle, regarde le moine et fait des mines.

Mais tel qu’un rocher en mer, dont l’eau agitée
Frappe en vain les flancs,
L’astucieux Fra Biagio reste inébranlable,
Bien qu’il feigne de répondre aux signes de la dame,
Et qu’il ait l’air d’être ivre, pour que le mari
À continuer le jeu se trouve encouragé.

Quand le moment parut venu au fermier Meo,
Il serra sur son cœur la belle Dorotea ;
Il vanta sa blonde chevelure, son œil noir,
Sa bouche qui appelait les baisers ;
Il lui découvrit le sein, et palpa
Ses beaux, fermes et gros tetons.

Le moine tenait la bouche ouverte, les yeux
Écarquillés, et de la tête aux pieds
Tous ses membres semblaient agités
Comme il arrive à un homme qui voit un objet désiré,
Et le fermier : « Si vous la possédiez,
» Mon père, » dit-il, « qu’en feriez-vous ? »