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LA GAGEURE


« Mais que puis-je te donner ? Dis ? Que prétends-tu ?
» Veux-tu que je te cède ce que j’ai perdu ?
» Ou que je te donne d’autre argent ?
» Pourvu que ce cornard, ce manant ne rie plus,
» Je te promets autant d’autres sequins,
» À l’octave des Morts ou à la Toussaint.

» Je compte trop sur la bonne volonté
» Et sur la simplicité des fidèles
» Pour me plaindre à propos d’une si petite somme,
» Si ce n’était l’affront que j’ai reçu.
» Nous sommes collègues, tu connais le métier,
» Et tu sais ce que vaut cette besace. »

— « Bourse commune, » dit alors Fra Biagio ;
« Le chien, comme dit le proverbe, ne mange pas le chien,
» Mais dans mon pauvre cœur l’amour a lancé
» Un trait perçant, il y a trois ou quatre semaines,
» Pour Sœur Lorenza, ta bonne amie,
» Qui se tient à l’église avec tant de révérence.

» Foutre ! Fra Bernardino ! oh ! qu’elle est belle !
» C’est un vrai morceau de provincial !
» Je sais que pour toi elle lève le cotillon :
» Si elle le levait aussi pour moi, y aurait-il grand mal ?
» Veux-tu me faire le plaisir qu’une autre fois
» Je t’ai fait, en te prêtant Sœur Francesca ? »

— « Mon frère, pourquoi non ! Foutre ! demain
» Je te promets que tu seras servi.
» Peuh ! ce ne sont là que des bagatelles !
» Quand une femme a accordé ses faveurs à un moine,
» Par exemple, le premier jour de l’Avent,
» Tout le couvent lui a passé dessus à Noël. »