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LA GAGEURE


» Avec autant de tapage qu’un navire de guerre,
» Quand il vous assourdit de ses canonnades,
» Il ouvrit une large bouche, il fronça le sourcil,
» Le coquin, et pouffant de rire,
» Tourné vers moi, qui me repentais bien de mon langage,
» Il me cria : — Cochon de moine, je t’y ai pincé !

» Ce n’est pas un, ce sont deux mots obscènes
» Qui sont sortis de ta lèvre insolente.
» Je suppose que tu as bien compris
» La convention entre nous établie :
» Tu peux vider la maison sans retard,
» Si tu ne veux en être chassé de force. —

» Je pleurai, je priai, mais inutilement ; le cruel
» Ne voulut écouter ni prières, ni excuses.
» Le ciel était absolument noir,
» Je n’avais pour guide que mon bâton,
» Et, pour compléter le tableau,
» La pluie venait de recommencer.

» Comment j’ai passé la nuit et dans quel supplice,
» Fais-t’en une idée, car je ne puis le dire ;
» Mais, mon frère, ce n’est pas le tourment que j’ai souffert,
» Ni la perte subie qui causent mon martyre :
» Il me déplaît seulement que ce vilain bougre
» Ait pu me coïonner de pareille façon.

» Ah ! malheureux que je suis ! Terre, entr’ouvre-toi,
» Et découvre-moi la gueule de l’enfer ;
» La vie pour moi ne vaut plus un liard,
» Depuis que j’ai servi de jouet à ce mauvais drôle.
» Où es-tu, Belzébuth ? emporte-moi
» Et mets ainsi un terme à ma douleur ! »