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FRÉDERIC DE HARDENBERG,

Spinoza et Fichte. Il chercha cependant plus tard à se frayer une route nouvelle, et à concilier la croyance religieuse avec la philosophie. C’est sous ce rapport qu’il s’appliqua beaucoup à l’étude des ouvrages que nous ont laissés les néoplatoniciens et les mystiques. Ses connaissances en mathématiques et en mécanique, mais surtout dans l’art du mineur, étaient peu communes, tandis que les beaux-arts ne l’avaient intéressé que facilement. Il aimait beaucoup la musique, quoiqu’il n’y eût que des connaissance peu étendues ; la peinture et la sculpture n’avaient qu’un attrait médiocre pour lui. Cependant il avait sur tous ces arts des idées extrêmement originales, qu’on pourrait appeler des pressentiments sublimes. C’est ainsi que je me rappelle encore une dispute que j’eus avec lui sur la peinture des paysages ; je ne pouvais comprendre sa manière de voir, et cependant les idées qu’il me développait alors, sont les mêmes que celles auxquelles le célèbre paysagiste, Fréderic, de Dresde, a donné de la réalité par son imagination riche et poétique. Il avait aussi, à dire vrai, lu peu de poètes, et ne s’était jamais occupé de la critique proprement dite ou des systèmes poétiques en vogue alors. Gœthe était le seul poète qu’il eût étudié ; il aimait surtout son Wilhelm Meister, quoique le jugement qu’il en a porté dans ses Fragmens dût faire croire tout le contraire. Selon lui, l’essence de la poésie consiste dans l’enthousiasme et dans l’âme (Gemüth). On peut expliquer par là pourquoi tant de chefs-d’œuvre de poésie lui sont restés inconnus ; mais cette circonstance éloigne aussi de lui tout reproche qu’on pourrait lui faire, d’avoir été imitateur ou de s’être laissé conduire par l’autorité d’autrui. C’est aussi ce qui explique pourquoi il aimait et estimait beaucoup d’ouvrages que les connaisseurs ne trouvent que médiocres ; il y trouvait, quoique sous de faibles couleurs, ce qui était pour lui l’essence de la poésie. Les récits merveilleux, qui ont eu tant de succès parmi nous, sous le nom de contes (Mährchen),