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FRÉDERIC DE HARDENBERG,

cupait avec ardeur des projets qu’il avait formés, et il se proposait entre autres de refaire entièrement son Henri d’Ofterdingen. Peu de jours avant sa mort, il disait : « Maintenant je sais ce que c’est que la poésie ; des idées poétiques toutes nouvelles se sont élevées en foule dans mon âme, et tout autres que celles que j’ai déposées dans mes écrits jusqu’à présent. » Depuis le 19 Mars, anniversaire de la mort de Sophie, ses forces diminuèrent sensiblement ; beaucoup de ses amis vinrent encore le voir, mais la visite qui lui causa le plus de joie, fut celle de Fréderic Schlegel, son plus ancien ami, qui habitait alors Jéna. Ils s’entretinrent beaucoup de leurs travaux respectifs. Il était alerte pendant le jour, et ses nuits étaient tranquilles. Le 25 Mars il demanda à son frère plusieurs livres pour y chercher quelque chose, ordonna son déjeuner et parla avec vivacité jusqu'à huit heures du matin. Vers neuf heures il pria son frère de jouer quelques pièces de clavecin, et s’endormit pendant ce jeu. Fréderic Schlegel y étant entré bientôt après dans la chambre, le trouva dormant tranquillement. Ce sommeil dura jusqu’à midi, où il expira sans faire le moindre mouvement. Sa physionomie était aussi douce et aussi enjouée après sa mort, qu’elle avait été dans sa vie. C’est ainsi que mourut notre ami avant qu’il eut atteint sa vingt-neuvième année. Il avait de vastes connaissances, et son génie poétique était aussi grand que sa personne était aimable. L’Allemagne pouvait se promettre de lui des choses extraordinaires, car son génie avait devancé tous ses contemporains. Mais ses écrits, bien qu’ils ne se composent que de fragmens, ont déjà porté leurs fruits, car ses idées nobles et profondes ont rempli d’enthousiasme la génération qui l’a suivi, et les étincelles de son esprit original ont éclairé ceux qui sont venus après lui. La taille de Novalis était grande et svelte, et son port noble. Ses cheveux brun-clair lui tombaient en boucles sur les épaules, cette manière de por-