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Cette terre en deuil ; cette terre dépouillée que je voulais couvrir de bocages rians, et ramener à son antique splendeur !

Que c’eût été beau, ma Diotima !

Penses-tu que je sois trop prompt à perdre courage ! hélas, mon amie, le malheur est à son comble ; de toute part je vois arriver des bandes de forcenés. La soif du pillage gagne le Péloponèse comme une horrible contagion, et ceux qui ne saisissent pas le glaive sont chassés, massacrés, et leurs bourreaux se disent les défenseurs de notre liberté ! Quelques-uns de ces détestables brigands sont à la solde du sultan, et pillent en son nom.

Je viens d’apprendre que notre infâme armée est dissoute. Les lâches ! ils rencontrèrent, aux environs de Tripolizza, un corps d’Albanais, deux fois moins considérable qu’eux, mais comme il n’y avait pas de dépouilles à gagner, les misérables prirent la fuite. Les quarante Russes qui firent la campagne avec nous, résistèrent seuls et trouvèrent tous la mort dans le combat.

Me voici donc encore une fois seul dans le monde avec Alabanda. Depuis que cet ami fidèle vit couler mon sang à Misitra, il a tout oublié : ses plans, son désir de vaincre et son désespoir. Ce héros redoutable, qui se précipitait au milieu des pillards comme un dieu vengeur, me prit dans les bras, me porta loin du carnage en répandant des pleurs. Il ne quitte pas mon grabat et je commence à m’en réjouir ; car s’il partait, personne ne prendrait soin de moi ; sans lui je serais encore étendu sur le champ de bataille.

Comment tout cela finira-t-il ? Je l’ignore. Je me trouve dans la plus cruelle incertitude, et je l’ai mérité. La honte me bannit de ta présence, et Dieu sait pour combien de temps !

Hélas ! je t’avais promis une Grèce nouvelle, et tu ne reçois que des lamentations. Raidis-toi contre la destinée !