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C’est maintenant que je voudrais te voir, ô Diotima ! te voir, et presser tes mains sur ce cœur, qui ne suffit plus à sa félicité. Bientôt dans une semaine peut-être, l’antique Péloponèse sera délivré de ses barbares ennemis.

Alors, ô alors, mon ange tutélaire, inspire-moi tes sentimens pieux, inspire-moi une prière digne d’un Dieu libérateur ! ― À tout prendre, je ne devrais pas ouvrir la bouche ; car je n’ai rien fait encore. Et, quand même je pourrais me glorifier de quelque chose, notre mission n’est pas accomplie. Mais est-ce ma faute, si l’imagination est plus prompte que les événemens ? Hélas ! pourquoi les succès n’ont-ils pas la vitesse de la pensée, pourquoi la victoire ne dépasse-t-elle pas les calculs de l’espérance ?

Mon Alabanda est radieux comme un jeune époux. Je vois l’empreinte d’un meilleur avenir dans chacun de ses traits, et c’est ce qui calme un peu mon impatience.

Diotima ! Je n’échangerais pas ce bonheur naissant contre les plus beaux jours de l’ancienne Grèce ; je préfère nos plus minces succès à Marathon, à Platée et aux Thermopyles. N’ai-je pas raison ? Le convalescent n’apprécie-t-il pas mieux la vie, que celui qui jouit d’une santé inaltérable ?

Ma tente est dressée sur les bords de l’Eurotas, et quand je me réveille au milieu de la nuit, le murmure de ses ondes m’avertit d’offrir au Dieu du fleuve un pieux sacrifice. Alors je cueille, en souriant, des fleurs sur le rivage et les jette dans les flots en disant : accepte-les ; bientôt tu arroseras une terre de liberté !


HYPÉRION À DIOTIMA

Tu aurais dû me calmer, Diotima ! tu aurais dû m’engager à ne rien précipiter, à marcher lentement dans le sentier de la victoire, à la guetter comme le créancier sordide guette un débiteur. Mon amie ! je ne saurais te faire comprendre ce