« Je quittai Pirmasens par un beau jour d’automne, pour me rendre à Bouxwiller ; mais j’étais triste et plein de soucis. Ce n’est pas ainsi que j’étais arrivé à Pirmasens : alors j’étais jeune et plein d’espérance, et siutout fier de l’indépendance que je venais de conquérir ; j’étais d’ailleurs accoutumé aux privations. Maintenant, j’allais recommencer ma pratique sur un nouveau théâtre, chargé d’une nombreuse famille, avec des moyens pécuniaires suffisant à peine pour nous garantir quelque temps du besoin, et malgré mes connaissances et mon expérience, incertain si je réussirais ; car le succès du médecin dépend le plus souvent du hasard. Ma pratique cependant augmenta de jour en jour, et devint beaucoup plus lucrative qu’elle n’avait jamais été à Pirmasens ; j’acquis de nouveaux amis, et je parvins à tous les honneurs que la localité pouvait conférer. Une pratique étendue et le voisinage d’une université, avec les professeurs de laquelle j’étais en relation, me donnaient de grandes facilités pour cultiver mon art et pour faire de nouveaux progrès. Je vivais d’ailleurs dans une contrée fertile, entourée de sites charmans, et infiniment plus commode que les environs de Pirmasens pour les voyages que j’étais obligé de faire comme médecin. Il est vrai que j’avais pour concurrent un vieux médecin, qui ne manquait ni d’expérience, ni de connaissances ; mais il s’était aliéné l’esprit du plus grand nombre des habitans de cette ville. Je cherchai à me concilier l’estime et l’affisction de ces habitans par des manières tout-à-fait opposées, et comme ce médecin perdait petit à petit une partie de sa pratique, nos relations n’étaient rien moins qu’amicales.
« Le 10 Septembre 1813 je fus nommé membre du conseil administratif du collège de Bouxvriller ; je cherchai alors à exciter le zèle des professeurs et des élèves par mes exhortations et par les discours que je prononçais lors de la distribution des prix. J’ai aussi fait le prospectus qui annonce une nouvelle organisation du collège ; il avait beaucoup perdu de
