Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.
361
DES FRAGMENS DE NOVALIS.

tempsychose. Nous lisons des voyages pour parler de l’univers. Mais l’univers n’est-il pas au dedans de nous ? Nous ne connaissons pas les profondeurs de notre âme : c’est là que tend le chemin le plus mystérieux ; c’est en nous, ou nulle part, que se trouve l’éternité, avec tous ses mondes, et le passé et l’avenir. Le monde extérieur est le monde des ombres ; il ne fait qu’obscurcir l’empire de la lumière. Maintenant le monde intérieur nous semble encore sombre, solitaire et sans forme, mais, comme nous le verrons autrement, lorsque l’obscurité sera loin, et que l’ombre apportée par le corps n’existera plus ! Alors nous jouirons plus que jamais ; car notre esprit a vécu long-temps de privation.


Quelques hommes ne se rattachent à la nature que parce qu’ils sont comme les enfans qui craignent leur père et cherchent un refuge auprès de leur mère.


Rien n’est plus nécessaire pour la véritable religion, que d’avoir un intermédiaire pour nous rattacher à la Divinité ; car l’homme ne peut pas entretenir avec elle un rapport immédiat. Quant au choix de cet intermédiaire, il doit être entièrement libre ; la moindre contrainte en ce cas nuirait à la religion. Ce choix est caractéristique : les hommes instruits sauront bien faire le leur ; mais les ignorans s’en rapporteront au hasard ; et comme il n’y a pas beaucoup de gens capables de former un choix libre, nous devons par conséquent avoir des intermédiaires généraux, soit par hasard, par association ou par une convenance particulière. C’est de la sorte que s’établissent les religions nationales. Plus l’homme se civilise, plus le nombre de ces intermédiaires diminue, plus ses relations avec eux se simplifient : c’est ainsi qu’il a eu les fétiches, les astres, les animaux, les héros, les demi-dieux, les dieux, et enfin un homme-dieu. On voit facilement que ces choix ne peuvent jamais être que relatifs, et que l’essence