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PENSÉES TRADUITES


De même que le peintre voit d’un tout autre œil que les hommes qui ne sont pas artistes, les objets offerts à sa contemplation, de même le poète conçoit d’une tout autre sorte que le vulgaire les choses du monde intérieur et extérieur.


Chaque œuvre d’art a un idéal a priori auquel elle tend à arriver.


On ne devrait jamais voir sans musique les œuvres d’art plastiques, et ne jamais entendre une œuvre de musique que dans des salles bien décorées.


La musique et la sculpture sont deux points opposés, et la peinture sert entre elles de transition. La sculpture est une belle chose arrêtée ; la musique est comme un fluide.


Il y a une espèce particulière d’âmes et d’esprits qui habitent les arbres, les paysages, les pierres, les peintures. On devrait sentir un paysage comme on sent un corps. Chaque paysage est un corps idéalisé pour un certain genre d’esprit.


Ce ne sont pas les couleurs variées, les tons rians, l’air chaud qui nous causent tant de joie au printemps ; mais c’est la révélation d’un esprit prophétique, d’une espérance lointaine ; c’est un sentiment précurseur d’une quantité de beaux jours ; c’est la jouissance anticipée des fleurs éternelles et des fruits, et la vague sympathie avec laquelle nous voyons le monde qui se développe.


Chaque figure artistique, chaque caractère inventé a plus ou moins de vie et plus ou moins d’espérance de vie. Les galeries sont les chambres à dormir du monde futur. L’historien, le philosophe, l’artiste y prennent leur place : ils se forment dans ce monde ; mais ils vivent pour l’avenir.