Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
DES FRAGMENS DE NOVALIS.

l’autre, et en reçoit des impressions. Les deux mondes, comme les deux systèmes, ne doivent former entre eux ni un désaccord, ni une existence monotone, mais une libre harmonie. Cependant la transition de la monotonie à l’harmonie s’opérera par le désaccord.


Si nous étions aveugles, sourds et privés de nos autres sens, mais que notre âme fût complètement ouverte, alors notre esprit serait pour nous ce qu’est à présent le monde extérieur, et qui sait si, en comparant ces deux situations, nous y trouverions de la différence ?


Nous ne devons pas seulement être homme, nous devons être plus. L’homme est autant que l’univers. L’homme peut et doit être quelque chose de déterminé et d’indéterminé.


Les rêves nous donnent une preuve remarquable de cette faculté que l’âme possède de pénétrer dans chaque objet, de se changer en chaque objet.


Qu’est-ce que la nature ? Une table encyclopédique, systématique ou le plan de notre esprit. Mais pourquoi nous contenterions-nous de la simple énumération de nos trésors ? Prenons plutôt ces trésors même pour les comtempler à loisir et les mettre à profit. Le sort qui nous opprime n’est autre chose que la paresse de notre esprit. En donnant plus de force et d’étendue à notre activité, nous ferions nous-mêmes notre sort.


Le temps n’est plus où l’esprit de Dieu se révélait d’une manière intelligible. Le monde n’a plus cette même faculté de sentir : nous en sommes demeurés à la lettre. Autrefois tout était apparitions d’esprit : à présent il ne nous vient que de sèches répétitions ; encore ne sont-elles pas comprises.