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et mes larmes coulèrent en abondance. Les siècles s’en allèrent au loin comme un orage, tandis que, suspendu à son cou, je versais des pleurs délicieux. Ce fut là mon premier rêve, et depuis j’ai senti dans mon cœur une foi constante et inaltérable au ciel de nuit, et à ma bien-aimée, qui en est la lumière.


4.

À présent je sais quand le dernier matin nous viendra, quand la lumière ne renaîtra plus pour effrayer la nuit et l’amour, quand le sommeil sera pour nous un rêve inépuisable. Je sens en moi une grande fatigue, mon pélerinage jusqu’au saint tombeau a été long et pénible ; mais celui qui a une fois goûté la boisson salutaire que l’homme sensuel ne peut connaître, celui qui s’est assis aux limites du monde, et qui a porté les yeux dans la nouvelle contrée, dans le domaine de la nuit, celui-là ne retournera plus au milieu des passions qui occupent les hommes, dans la terre où la lumière ramène toujours l’inquiétude. Il se bâtit sa demeure à lui, sa demeure où la paix habite, où il garde ses désirs et son amour, et d’où il élève ses regards en haut jusqu’à ce que la dernière heure sonne pour lui. Tu reviendras encore, joyeuse lumière, appeler au travail ceux qui sont las, tu me rendras encore la vie riante ; mais tu ne peux m’arracher aux souvenirs que j’entretiens près de ce tombeau. Oui, je veux bien aller partout où tu m’appelles et mettre mes mains à l’œuvre ; je veux bien célébrer ton éclat, ta magnificence et tous ces ouvrages d’art que tu vois éclore ; je veux contempler la marche puissante et solennelle du soleil, étudier la symétrie des pouvoirs, et les règles qui gouvernent et le temps et l’espace. Mais mon cœur reste fidèle à la nuit, et à l’amour, enfant de la nuit. Peux-tu donc, ô lumière, me montrer un cœur constamment fidèle ? Ton soleil me regarde-t-il avec bonté ? Mes mains avides peuvent-elles em-