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HENRI DE KLEIST

Je ne saurais rien reprocher à cette pièce que le caractère de Cunégonde, qui est évidemment outré, et qui, pour faire contraste avec la jeune et virginale image de Kâtchen, tombe presque dans la caricature.

Kâtchen de Heilbronn a été jouée sur plusieurs théâtres de l’Allemagne, et a toujours obtenu un grand succès, notamment à Vienne et à Berlin, où le personnage principal de Kâtchen était si bien représenté par M.“® de Holtei, dont l’art regrette encore la perte prématurée.

Le Prince de Hambourg est aussi une œuvre très-remarquable, dont l’idée première repose encore sur le somnambulisme ; mais le sujet en est historique. Frédéric II raconte dans ses mémoires, qu’après la bataille de Fehrbellin l’électeur de Brandebourg voulut faire passer devant un conseil de guerre le prince de Hombourg, pour n’avoir pas suivi les ordres qu’il lui avait donnés, bien que ce. fût au prince que l’on dut la victoire. Et voici comme le poète a développé le thème qu’il s’était choisi. Le jour de la bataille le prince se réveille, encore tout préoccupé d’un rêve qu’il a eu, et où sa bien-aimée s’est montrée à lui. Dans l’éut de distraction où il se trouve, il n’entend pas les ordres qui lui sont prescrits, et s’élance avec une bravoure intrépide au milieu de la mêlée dès qu’il en croit le moment venu. La victoire est gagnée, grâce à sa valeur ; mais il a failli la compromettre par sa précipitation, et voilà pourquoi l’électeur le condamne à mort, et signe son arrêt. A cette nouvelle le prince oublie tout son courage, toute sa grandeur d’ame. Il s’efiraye de mourir. Il demande la vie, la vie à quelque prix que ce soit. C’est un moment de faiblesse bien aisé à concevoir, c’est le héros qui redevient homme. Mais bientôt le héros reprend son empire, et sur ces paroles de Frédéric : jugez vous-même si j’ai tort, il se soumet à son arrêt, et repousse, les démarches que l’on veut faire en sa faveur.