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HENRI DE KLEIST

et n’a pas encore pu y perdre beaucoup d’illusions. Mais toutes ces choses ne sont que des causes de souffrances raisonnables, comme le vulgaire en demande pour s’expliquer un visage pâle et des yeux chargés de larmes. Il est une autre cause de soufirance moins apparente et non moins active que l’on devine et que l’on n’explique pas, qui se montre claire aux yeux de ceux qui l’ont éprouvée, et qui met encore en défaut la science des physiologistes. Retournez au vague des passions de Châteaubriand et aux lettres de Werther, aux vers de Child Harold et à la vie de Joseph Delorme. Là est dépeint le mal ! Mais le remède ?…

À Paris, Kleist, dominé par son humeur capricieuse et difficile, rompt brusquement avec son ami, brûle tous ses papiers, et anéantit pour la troisième fois l’essai qu’il avait fait d’une tragédie sur Robert Guiscard.

De là il se remet encore en route, va à Boulogne, revient à Paris, puis rentre en Allemagne, toujours triste et ennuyé, voyageant avec le besoin de s’instruire, et ne parvenant pas même à se distraire ; ces courses aventureuses, ces haltes de droite et de gauche, ces départs subits, ces retours capricieux, ressemblent parfaitement aux voyages misanthropiques d’Alfieri, si bien décrits dans ses Mémoires.

À Mayence il tombe encore malade, se guérit à grande peine, puis arrive à Berbn, où il se remet à travailler au ministère des finances, et comme il lui revient une lueur de courage, il reprend aussi ses études Uttéraires, et écrit le conte de Kohlhaas.

Cependant la guerre entre la Prusse et la France a pris un caractère plus décidé ; la bataille dléna porte la terreur à Berbn. Tous ceux qui ont à craindre la domination des Français, et la reine de Prusse en tête, se hâtent de quitter cette ville. Kleist part aussi et se rend à Kcenigsberg.

On pourrait croire d’abord que, bvré à ses ccunbats intérieurs, à ses tristesses tout individuelles, Kleist devait