Page:Nouvelle cuisinière canadienne, 1865.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
CUISINIÈRE

Nos mœurs progressent : on ne demande plus à boire, on demande à rire.

« Peu et bon, » dit le sobre, « Beaucoup et bien, » dit le gastronome.

Offrir deux ou trois fois la même chose, ce n’est pas savoir faire les honneurs de chez soi, c’est devenir importun. Jeune fille, si un convive indiscret s’écarte des préceptes du savoir-vivre et franchit les limites des convenances, parlez-lui de votre mère, de votre père : le nom de la famille est la sauvegarde de la décence et de la pudeur.

La table n’est pas le champ clos de l’intempérance ; elle est une lice aimable ouverte à l’appétit.

À table, l’œil de la maîtresse de maison doit avoir la vivacité de celui de l’aigle et la douceur de la colombe.

Acceptez le partage d’un fruit ; mais ne l’offrez jamais.

Les cris et les gros rires sont aussi déplacés à table que ceux qui demandent qu’on leur fasse passer du bouilli et de la volaille.

Le grand art de la maîtresse de maison consiste à traiter ses convives de manière à faire disparaître en eux l’inégalité des rangs.

Quoiqu’on parle à voix basse à table, il ne faut jamais que ce qui y est dit soit de nature à ne pas être entendu par l’ouïe la plus délicate.

Acceptez le moins possible à dîner chez ceux qui réservent quelques-uns des plats entiers et ne les font pas tous découper.

Défiez-vous de ceux qui parlent de leurs dîners, qui vantent leurs vins : c’est l’orgueil de Diogène qui perce à travers les trous de son manteau.

L’esprit de la maîtresse de maison consiste surtout à faire briller celui des autres.

À table, gardez vous du blâme ; mais soyez circonspect. S’extasier mal à propos, c’est faire souvent un sot compliment.

Savoir placer ses convives à table, c’est faire preuve de