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vaisseaux de guerre, entra dans l’embouchure de Rio-Janeiro. Les protestants n’y séjournèrent pas longtemps, à cause du changement de principes de Villegagnon, qui, craignant une révolte de la part des Calvinistes, lui fit prendre le parti de déclarer qu’il n’en voulait plus souffrir dans son fort, et les fit tous embarquer sur le Jacques, chargé de bois, de teinture, de poivre, de coton, de singes, de perroquets et d’autres productions du pays. On mit à la voile, pour retourner en France, le 4 janvier 1558. Tout l’équipage montait à quarante-cinq hommes, matelots et passagers, sans y comprendre le capitaine et Martin Beaudoin, du Havre, maître du vaisseau.

Léry va seul prendre la parole, et raconter une suite non interrompue de scènes les plus étranges.

« Nous avions, dit-il, à doubler de grandes baies entremêlées de rochers qui s’étendent d’environ trente lieues. Le vent n’étant pas favorable à nous faire quitter la terre sans la côtoyer, nous fûmes d’abord tentés de rentrer dans l’embouchure du fleuve. Cependant, après avoir navigué sept ou huit jours, il arriva, pendant la nuit, que les matelots qui travaillaient à la pompe ne purent épuiser l’eau. Le contre-maître, surpris d’un accident dont personne ne s’était défié, descendit au fond du vaisseau, et le trouva non-seulement entr’ouvert en plusieurs endroits, mais si plein d’eau, qu’on le sentait peu à peu enfoncer. Tout le monde ayant été réveillé, la consternation fut extrême. Il y avait tant d’apparence qu’on allait couler à fond, que la plupart, désespérant de leur salut, se préparèrent à la mort.

« Cependant quelques-uns, du nombre desquels