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non pas réalisé, mais surpassé ce que j’avais pressenti a la lecture ! D’où vient ceci ? Simplement de ce que, comme Wagner l’a dit lui-même, dans ses opéras, la musique n’est qu’un moyen, le but c’est le drame. Pour que cette musique produise son effet, il faut donc avant tout que le drame apparaisse. Eh bien, parmi tous les artistes que j’ai vus dans ces deux rôles, seuls Mr Bertini et Mlle Meyer font vivre les deux personnages rêvés par Wagner, et par là ils évoquent le drame vraiment beau, qui, ailleurs, s’évanouissait derrière la musique.

Et dame ! il faut le confesser, ce ne sont pas là deux rôles faciles à remplir. Pour Lohengrin, la chose saute aux yeux. Il ne s’agit pas seulement de nous donner l’idée d’un être divin, ce qui déjà est assez malaisé, mais, cet être surnaturel, il faut le rendre si humain qu’il puisse nous toucher. Un Dieu homme ! cela ne se conçoit pas. Pour que nous y puissions croire en vérité, l’Eglise a dû proclamer un mystère ; pour nous en donner l’illusion, même sous une forme toute profane, il faut un miracle de l’art.

Tous les chanteurs que j’ai vus avant Mr Bertini dans le rôle de Lohengrin, se subdivisent en deux groupes. Les premiers, qui sont les plus nombreux, se contentaient de chanter de leur mieux les parties les plus suaves ; quant à celles qui demandent une forte accentuation, il les escamotaient. Ainsi le dieu s’en allait, et il ne restait devant nous qu’une pâle figurine, comme celles que l’on voit sur les bâtons de sucre de pomme. Les autres sont ceux dont l’organe était puissant. Ceux là faisaient pire encore. La douceur leur manquant, au lieu d’un être divin, c’est un butor qu’ils nous montraient.