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Mais ce fut un génie exclusivement viril. Il n’a pas connu Vénus : aussi est-il resté une sorte de sphinx, moitié homme et moitié.... contre-point. Avec Mozart et avec Beethoven, quelle différence. C’est que le divin cantabile italien leur était apparu, c’est qu’il avait pris possession de leur âme. En vérité, dans leurs œuvres, s’est accompli le mariage de Faust et d’Hélène, ou, si vous voulez, Pygmalion a embrassé la statue de Vénus et lui a donné la vie ! — Il faut le reconnaître, il manquait deux choses à votre mélodie, le coloris et le mouvement ; mais elle avait l’attrait suprême, qui en brûlant au cœur pouvait seul faire jaillir l’étincelle créatrice, elle était enfin le germe de vie qui ne peut être que féconde. — Mendelssohn, Schumann et Brahms ont fait les fiers, ils ont voulu être de purs Germains. Que grand bien leur fasse ! Pour moi, j’ai senti différemment, et je ne crois pas m’en trouver plus mal !... Je le dis franchement, non seulement la mélodie de Bellini m’a inspiré une véritable passion, mais j’ai adoré la Vénus de chair et d’os dont cette mélodie n’est que l’image fluide. Là est le secret de tout ce que j’ai pu faire de nouveau. Quand je concevais mes drames, il me semblait voir agir les êtres superbes dont les sculpteurs grecs et les vôtres, ont fixé l’image dans la pierre. Et c’est la beauté des rhythmes qu’ils me suggéraient, qui m’a permis de renoncer en faveur du mouvement aux formes symétriques.

En prononçant ces paroles, Wagner s’était animé de plus en plus. Ici, il fit une pause, puis, sur un ton plus doux : Vous voyez ce que je vous dois, reprit-il. Non seulement, votre mélodie est, avec l’art de notre vieux Bach, le fond même de ma musique ; mais, ce qui m’a