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formes indécises, n’est ce pas là le séjour même du rêve ! J’entrai donc, bien décidé à parvenir jusqu’au tombeau du Prince Indien. Mais je n’y arrivai pas. A mi-chemin, près de cette clairière où s’élèvent des chênes séculaires, j’entendis un murmure singulier, et à travers le taillis j’aperçus je ne sais quelle foule transparente, qui se mouvait. Comme j’avançais pour voir ce que cela pouvait bien être, une voix cria : « On ne passe pas ! » et au même moment un soldat apparut, mais un soldat comme je n’en avais jamais vu.... que dans les cortèges historiques. C’était un lansquenet, et c’était avec une hallebarde qu’il me barrait le chemin. « Qu’y a-t-il donc ici ? » fis-je tout ébaubi. — « Eh quoi, ne le savez-vous pas !. Cette nuit, a lieu la fête que, chaque année, nos grands Florentins de la Renaissance donnent à tous les artistes et à tous les poètes, qui, paraît-il, ont suivi la voie qu’ils ont ouverte. » Je crus avoir à faire à quelque mauvais plaisant, et je partis d’un grand éclat de rire. Mais le soldat ne riait pas, lui ; il avait même l’air si sérieux qu’il finit par m’en imposer. M’étais-je endormi en marchant ? Rêvais-je tout debout ? C’est probable, mais ce qui est certain c’est que pour lors je demeurai convaincu. Un désir fou me vint donc de voir tous ces grands hommes ; et je fis si bien que je décidai mon hallebardier à me laisser passer. Ce qu’il ne fit toutefois qu’après m’avoir recouvert de son manteau, un grand manteau couleur d’ombre, qui m’empêcherait de faire dissonnance au milieu de l’illustre assemblée.

La première ombre que je vis fut celle de Giovanni Bardi comte de Vernio, le noble Florentin dans le palais duquel se réunissaient les artistes qui, voulant faire re-