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le soleil : Et ce serait une telle banalité, qui aurait inspiré les divines mélodies de Wagner ! » Oui, monsieur, et si vous ne voulez pas me croire, je vous renverrai a Mr De Gubernatis, l’illustre savant, dont la réputation est telle, dans les deux mondes, que l’empereur du Brésil n’a pas voulu traverser Florence sans aller lui faire visite. Non seulement il confirmera mon dire, mais il ajoutera que Lohengrin lui-même est aussi le soleil et qu’Elsa est la lune : toute l’histoire des malheureux amants se fondant sur le fait bien simple que l’astre de la nuit ne peut contempler celui du jour, dans sa splendeur, sans pâlir et mourir à nos yeux.

Voilà ce que vous dira Mr De Gubernatis. Mais après tout, il se pourrait que la grande autorité du savant ne me sauvât pas. Car ce qui est à sa place dans un travail d’érudition pourrait bien ne pas l’être dans une modeste causerie comme celle-ci. Le mythe et l’œuvre d’art sont bien les deux extrémités d’une même tige, mais l’un est la racine, et l’autre la fleur qui éblouit et embaume. Or, que diriez-vous madame, si au lieu d’une rose on vous présentait cette petite araignée chevelue et terreuse, d’où elle est sortie ? — « Fi donc ! » — Je cours grand risque qu’on ne m’en dise autant. Voyez-vous pourtant dans quelle situation fâcheuse un malheureux écrivain peut être mis par le seul fait d’avoir vu la colombina après avoir entendu Lohengrin !... Enfin, puisque j’y suis dans cette situation la, il faut en prendre son parti. Et le mieux est de le prendre bravement. Je vous dirai donc à vous tous qui faites les dédaigneux, que sans le mythe vous n’auriez pas plus l’œuvre d’art que vous n’en pourriez jouir sans les paysans, qui, confiants dans la colombina,