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simple char en bois traîné par des bœufs. Certes la légende du Graal est plus poétique, mais celle de la colombina a bien aussi son avantage, c’est que, tandis que la première n’est plus que le souvenir d’une chose morte et oubliée depuis longtemps, elle est encore vivante, et donne lieu, tous les ans, à une fête qui passionne le peuple. Pour cela même, elle va nous révéler le mythe primitif en lequel toutes deux se confondent. D’abord, il faut noter une chose. C’est au commencement du Printemps qu’elle a lieu cette fête, c’est-à-dire au moment même où le soleil ayant reconquis une puissance virile va féconder la nature. Puis le char qui éclate est traîné par des bœufs, tout comme ceux qui porteront la récolte, fruit désiré des amours du héros divin. Comment ne pas voir que la colombe qui vient faire épanouir sur ce char mille feux blonds comme les blés, est le symbole du soleil, qui va faire éclater tous les germes ? Les paysans toscans le savent bien, eux, car tous vous diront que si le char s’embrase bien, la récolte sera bonne. Il est vrai que ces vieux souvenirs païens se rattachent aujourd’hui à une fête chrétienne, qui les voile en partie. Mais quand on voit que nous fêtons les Morts au moment où la nature meure, que la naissance du Christ coïncide pour nous avec la naissance d’un nouveau soleil, et sa résurrection avec l’époque où tout revit sur terre, il est difficile de ne pas croire que nos fêtes sont plus anciennes que le Christianisme, et que celui-ci, pour en faire ce qu’elles sont aujourd’hui, n’a eu qu’à en modifier le sens et à les pénétrer du plus haut idéalisme.

« Eh quoi ! direz vous en haussant les épaules, le Saint Graal et sa colombe seraient tout simplement la terre et