C’est là, dira-t-on, une chose dont il tant savoir faire
abstraction, pour ne tenir compte que du talent de l’artiste.
Certes, il le faudrait. J’ajouterai même qu’on peut
y arriver, mais pas tout de suite, et, en attendant, la
première impression a été produite, la première impression
si importante quand il s’agit d’une œuvre d’art ! Et
puis, c’est que généralement le talent laissait aussi à désirer.
Non pas, le plus souvent, sous le rapport du chant :
comme on sait les bons soprani sont moins rares que les
bons ténors. Mais presque toutes ces dames jouaient d’une
façon insuffisante le second et le troisième acte. Il en résultait
deux choses. Premièrement, la grande scène où
Elsa manque à l’engagement que lui a fait prendre Lohengrin,
devenait un duo comme un autre : comme tel, il est
trop long. Ensuite, le revirement n’ayant pas été préparé,
semblait du. à un caprice de la chanteuse : il n’y avait
plus de drame. Avec Mlle Meyer quelle différence ! —
Grande, fine, distinguée ; des bras dignes d’une statue
antique ; une figure aussi charmante par la grâce de
l’expression que par la pureté du contour ; enfin une belle
chevelure blonde ondulée.... dont le choix révèle un goût
exquis ! — Dès qu’elle a paru, il n’y avait pas à s’y méprendre ;
c’était bien là Elsa, Elsa en personne. Et cette
impression première, non seulement nous ne l’avons plus
jamais perdue, mais elle n’a fait que s’accroître, à mesure
que les difficultés du rôle augmentaient. D’abord, quand
Lohengrin vient défendre la vierge opprimée, avec quel
charme enchanteur et quelle effusion sortie de l’âme, elle
adorait le libérateur divin ! Puis, au second acte, c’est insensiblement
que se glissait en elle, non pas un doute,
mais une inquiétude de plus en plus douloureuse. Enfin,