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Or ce n’est pas là chose qui aille de soi : tous les artistes qui y échouent le montrent assez. — Eh bien, de toutes ces difficultés, Mr Tobie Bertini a triomphé, et à tel point, que quiconque n’a vu que lui dans ce rôle doit à peine se douter qu’elles existent. Par l’aisance de sa diction, par la souplesse de sa voix, qui lui permet d’être tour à tour irrésistiblement fort, infiniment tendre et ardemment passionné, il a réalisé pour nous le type adorable de l’être surnaturel, qui malgré sa puissance divine, aime et souffre comme le plus doux des humains.

Que le rôle d’Elsa ne présente pas des difficultés moins grandes, et que sa bonne interprétation n’ait pas moins d’importance, j’en vois la preuve dans ce que, pour que l’œuvre de Wagner nous apparût telle qu’elle est, il a fallu qu’à Mr Bertini vint se joindre Mlle Isabelle Meyer. En somme, toute l’action repose sur la lutte qui se livre dans le cœur d’Elsa. Si le chanteur qui représente le héros, doit posséder des qualités hors ligne pour être vraiment Lohengrin, c’est de l’artiste à laquelle est confiée la partie d’Elsa qu’il dépend de nous montrer que l’opéra de Wagner est un véritable drame. Seulement les. aptitudes prédominantes que demandent les deux rôles ne sont pas les mêmes. Lohengrin étant un être idéal, c’est l’art idéaliste par excellence, c’est la musique, qui peut seule le manifester : pour lui, il faut avant tout un excellent chanteur. Au contraire le rôle d’Elsa, étant essentiellement dramatique, exige une chanteuse qui soit une tragédienne.... et une tragédienne capable de figurer la suave jeune fille. Oh ! je puis l’affirmer, telles n’étaient pas les diverses Elsa, que j’ai vues avant Mlle Meyer. La plupart étaient grosses et courtes, les autres manquaient de jeunesse ou de beauté.