éveiller le patriotisme[1] et dresser la nation contre l’envahisseur.
Quiconque veut bien comprendre cette extraordinaire époque ne doit pas négliger certains faits qui ont été trop souvent maintenus dans l’ombre ; et avant tout la réunion des États Généraux de 1356, où siégeaient huit cent députés dont plus de la moitié étaient des gens du Tiers État. En sortit la « Grande ordonnance de 1357 ». L’adhésion donnée par les États provinciaux aux réformes proposées en même temps que le vote des subsides demandés par la royauté prouvent que si, dans l’entreprise du prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel, la violence se mêla fâcheusement à la sagesse[2], il y avait dès lors dans le pays une opinion populaire prête à l’unanimité, en vue de supprimer les abus, aussi bien que de repousser l’ennemi. Charles v (1364-1380) n’osa pas se mettre à la tête d’un mouvement si hardi, mais il en recueillit les enseignements et grandement en profita. Les seize années de son règne réparateur restaurèrent l’équilibre et eussent suffi à tirer la France de l’ornière, si la folie de son successeur, Charles vi (1380-1422), le luxe et les dépenses d’une cour assoiffée de plaisirs, les indignes rivalités des membres de la famille royale,
- ↑ On dit trop volontiers que le patriotisme n’existait pas avant Jeanne d’Arc. La liesse qui avait accueilli la victoire de Bouvines aussi bien que le deuil général mené autour du cercueil de saint Louis attestent l’existence antérieure, bien que parfois confuse encore, du sentiment patriotique.
- ↑ Le mouvement auquel Étienne Marcel a donné son nom lui survécut. Les ordonnances rendues en 1389 puis en 1401, 1407, 1409 indiquent la force persistante de ce mouvement. Il se manifesta encore aux États Généraux de 1413.