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heureuse, écrit J. de Crozals, dans son Manuel d’histoire de la civilisation, une société demandant ses ressources au travail libre n’eût jamais songé à chercher son salut dans des combinaisons politiques aussi étranges. Mais, au milieu des circonstances tragiques qui lui avaient donné naissance, le régime féodal, en multipliant indéfiniment les centres d’action, en rétrécissant la sphère où devait s’exercer l’influence protectrice de chaque petit souverain se justifie par ses services ». Remarquons comme tout s’enchaîne ; le seigneur a des hommes à son service qu’il peut mettre à la disposition d’un seigneur plus puissant et celui-ci va le récompenser — à défaut d’argent qui n’abonde pas — par des concessions domaniales. Voilà le fief créé en quelque sorte automatiquement. Dès que le fief existe, son possesseur cherchera à le rendre héréditaire afin d’en assurer la possession à ses enfants. Il voudra aussi l’agrandir aux dépens de ses voisins et par conséquent s’attribuer le « droit de guerre privée ». Toute la féodalité est là.

Dès 587 le pacte d’Andelot avait préparé en fait le caractère héréditaire des « bénéfices » qu’on appellerait plus tard des fiefs. Les édits de Mersen et de Kiersy rendus en 847 et 877 par Charles le Chauve, confirmeront et généralisèrent ces caractéristiques de la féodalité. « Au ixe siècle, dit A. Rambaud, il n’y a plus en Gaule un seul petit propriétaire qui obéisse directement au souverain ». C’est qu’en effet, et depuis longtemps, « l’homme libre, qui ne veut être le vassal de personne, mène une vie insupportable. Celui qui n’a pas un protecteur risque fort de perdre sa terre et celui qui n’a plus de terre tombe nécessairement dans la servitude ».