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les résultats obtenus dans deux Notes antérieures (51). Une première difficulté se présentait sur ma route. Quand il s'agit d'intégrer de simples équations différentielles, la méthode des approximations successives est parfaitement justifiée, parce que l'existence de l'intégrale a été tout d'abord rigoureusement démontrée. Il n'en est plus de même dans le problème actuel qui est beaucoup plus compliqué; il peut rester au sujet de la légitimité de cette méthode quelques doutes qu'il s'agissait d'abord de dissiper. Pour démontrer rigoureusement l'existence des diverses solutions du problème, j'ai employé un procédé tout à fait analogue à celui dont j'avais fait usage dans mes recherches sur les solutions périodiques du problème des trois corps et ou je prends pour point de départ un théorème de M. Kronecker.

On reconnait d'abord que les diverses figures d'équilibre d'une masse fluide forment des séries linéaires; dans une même série, ces figures dépendent d'un paramètre variable. Telles sont la série des ellipsoïdes de révolution et celle des ellipsoïdes de Jacobi. Mais il peut arriver qu'une même figure appartienne à la fois à deux séries différentes. C'est alors une figure d'équilibre de bifurcation. A chaque figure est attachée une suite infinie de coefficients, que j'appelle coefficients de stabilité, parce que la condition de la stabilité, c'est qu'ils soient tous positifs. Quand un de ces coefficients s'annule, c'est que la figure correspondante est de bifurcation.

Ainsi, si en suivant une série de figures d'équilibre on voit s'annuler un des coefficients de stabilité, on saura qu'il existe une autre série de formes d'équilibre à laquelle appartient la figure de bifurcation.

Un autre résultat, c'est que les deux séries linéaires dont cette figure fait partie échangent leur stabilité. Si, en suivant l'une des séries, on ne rencontre que des équilibres stables jusqu'à la figure de bifurcation, on n'y trouvera plus ensuite que des figures instables. Les figures stables appartiendront à l'autre série.

Ces principes, appliqués à divers problèmes déjà traités par Laplace, m'ont permis d'en compléter la solution.

Pour trouver les formes d'équilibre d'une masse fluide en rotation qui diffèrent peu d'un ellipsoïde, il faut rechercher si, parmi les ellipsoïdes de révolution et ceux de Jacobi, il y a des figures de bifurcation. Pour cela il faut calculer les coefficients de stabilité de ces ellipsoïdes. On trouve que ces coefficients dépendent des fonctions de Lamé.

J'ai donc dû faire de ces fonctions une étude approfondie. J'ai démontré d'une manière nouvelle que ces polynômes ont toutes leurs racines réelles et j'ai étudié la manière dont ces racines se répartissent.