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les deux fonctions représentées par le développement l'intérieur et à l'extérieur du domaine comme le prolongement analytique l'une de l'autre? Plusieurs géomètres étaient autrefois tentés de le croire. M. Weierstrass a montré pour la première fois que leur point de vue était faux, en donnant des exemples de séries qui représentent dans des domaines différents des fonctions manifestement différentes. J'en ai moi-même rencontré un exemple dont je veux ici dire un mot. Certains développements qui représentent à l'intérieur du cercle fondamental une de ces fonctions que j'ai appelées plus haut thêta-fuchsiennes représentent O à l'extérieur de ce cercle.

J'ai voulu donner (34) un argument nouveau à l'appui de la manière de voir de M. Weierstrass. Considérons une fonction F(x) admettant un domaine D comme espace lacunaire, et une autre fonction F(1)(x) n'existant au contraire qu'à l'intérieur de ce domaine et admettant par conséquent tout le reste du plan comme espace lacunaire. Divisons le contour du domaine D en deux arcs A et B. J'ai démontré qu'on pouvait trouver deux fonctions uniformes Phi(x) et Phi(1)(x) existant dans tout le plan et admettant seulement, la première A, la seconde B comme ligne singulière; et cela de telle sorte que

Phi + Phi(1) = F, à l'extérieur de D,

Phi + Phi(1) = F(1), à l'intérieur de D.

Si la fonction F avait un prolongement analytique naturel à l'intérieur de D, ce prolongement devrait être F(1); mais nous avons choisi cette fonction F(1) d'une manière tout à fait arbitraire, en l'assujettissant seulement à n'exister qu'à l'intérieur de D. Il est donc dénué de sens de parler du prolongement naturel d'une fonction à l'intérieur d'un de ses espaces lacunaires. J'avais en même temps ramené l'étude des fonctions à espaces lacunaires à celle des transcendantes uniformes à ligne singulière essentielle.

La théorie des fonctions non uniformes est loin d'être aussi avancée que celle des fonctions uniformes. Quoiqu'on connaisse assez bien la manière d'être de ces fonctions dans le voisinage d'un point donné, quoique l'introduction des surfaces de Riemann ait jeté beaucoup de lumière sur les parties encore obscures de leur théorie, il y a encore bien des progrès à faire avant de connaître leurs principales propriétés. J'étais donc animé du désir de ramener leur étude à celle des transcendantes uniformes. La théorie des fonctions fuchsiennes me rapprochait déjà du but; j'avais démontré, en effet, que si f(x, y) = 0 est l'équation d'une courbe algébrique quelconque, on peut choisir un paramètre z de telle façon que x et y soient des fonctions uniformes de ce paramètre. J'avais ainsi