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« Il est donc nécessaire d'étudier les fonctions définies par des équations différentielles en elles-mêmes et sans chercher à les ramener à des fonctions plus simples, ainsi qu'on a fait pour les fonctions algébriques, qu'on avait cherché à ramener à des radicaux et qu'on étudie maintenant directement, ainsi qu'on a fait pour les intégrales de différentielles algébriques, qu'on s'est efforcé longtemps d'exprimer en termes finis.

Rechercher quelles sont les propriétés des équations différentielles est donc une question du plus haut intérêt. On a déjà fait un premier pas dans cette voie en étudiant la fonction proposée dans le voisinage d'un des points du plan. II s'agit aujourd'hui d'aller plus loin et d'étudier cette fonction dans toute l'étendue du plan. Dans cette recherche, notre point de départ sera évidemment ce que l'on sait déjà de la fonction étudiée dans une certaine région du plan.

L'étude complète d'une fonction comprend deux parties:

  • 1) partie qualitative (pour ainsi dire), ou étude géométrique de la courbe définie par la fonction ;
  • 2) partie quantitative, ou calcul numérique des valeurs de la fonction.

Ainsi, par exemple, pour étudier une équation algébrique, on commence par rechercher, à l'aide du théorème de Sturm, quel est le nombre des racines réelles : c'est la partie qualitative; puis on calcule la valeur numérique de ces racines, ce qui constitue l'étude quantitative de l'équation. De même, pour étudier une courbe algébrique, on commence par construire cette courbe, comme on dit dans les cours de Mathématiques spéciales, c'est-à-dire qu'on cherche quelles sont les branches de courbes fermées, les branches infinies, etc. Après cette étude qualitative de la courbe, on peut en déterminer exactement un certain nombre de points.»

C'est naturellement par la partie qualitative qu'on doit aborder la théorie de toute fonction et c'est pourquoi le problème qui se présente en premier lieu est le suivant : construire les courbes définies par des équations différentielles.

Cette étude qualitative, quand elle sera faite complètement, sera de la plus grande utilité pour le calcul numérique de la fonction, et elle y conduira d'autant plus facilement que l'on connaît déjà des séries convergentes qui représentent la fonction cherchée dans une certaine région du plan, et que la principale difficulté qui se présente est de trouver un guide sûr pour passer d'une région où la fonction est représentée par une série à une autre région du plan où elle est exprimable par une série différente (1).

D'ailleurs cette étude qualitative aura par elle-même un intérêt de premier ordre. Diverses questions fort importantes d'Analyse et de Mécanique peuvent en

(1) Ces considérations m'ont effectivement servi de guide dans des recherches relatives au calcul numérique de la fonction (23).